samedi 9 mai 2009

NERVAL (6)






III. CODE LEONARDO


Printemps 1493…


(LECTEUR : Nous n’avançons pas vite !
AUTEUR : Le concours nous impose de rester au 15ème siècle. Nous verrons la suite, du saccage de l’empire inca à la bombe atomique, à partir de juillet).



…Fra Benito est revenu des Amériques, avec une belle petite Indienne, Atalanta. Même, il sera papa dans quelques mois. En tout bien tout honneur, avec la bénédiction du pape Alexandre, enchanté des résultats de la mission outre Atlantique.
Pourtant, un moine avec une sauvageonne! Heureusement le pape est moins raciste que la reine Isabelle : il accueille ici les Juifs chassés là-bas. Ce qui ne facilite pas ses rapports avec la cour d’Espagne, et la situation devient en plus très tendue avec la France du barbare Charles VIII, lequel vient de trouver pour son objectif de reconquête de Naples un allié de choix : le nouveau maître du Milanais, Ludovic le More.


(LECTEUR : Qu’est-ce qu’un Maure avec un O ?
AUTEUR : Si son surnom est dû à son teint bronzé, il s’agit d’une orthographe ancienne. Mais la dénomination vient peut-être de ses armes où figurait un mûrier, arbuste sans doute « moresque » dans le langage du lieu et de l’époque)




Il est donc ravi, le pape. Pas forcément de la prochaine paternité de son précieux collaborateur, mais des bonnes nouvelles d’Outre Atlantide (territoire que nous désignerons maintenant par son nom, Amérique) : il y a beaucoup d’or à Hispanolia, une petite île où Benito a débarqué avec Colomb. (Voir : Colombo, Cristofaro). Mais Colomb a fait le même rapport à la reine d’Espagne, qui a déjà reçu en audition de nouveaux navigateurs. Sans oublier le Grand amiral lui-même, qui va bientôt repartir vers SES terres à la tête d’une véritable armée.

Malgré la présence de la douce Atalanta, pas de repos du guerrier pour l’infatigable Benito, mais une nouvelle mission : revenir en Amérique avant Colomb et les autres, en utilisant un moyen de transport plus rapide que les caravelles !
Equation insoluble ? Le pape Borgia a toujours une solution. Il connaît un savant florentin, à la fois artiste et ingénieur, Léonard de Vinci, qui aurait inventé des machines volantes.

En volant au-dessus des nuages, explique le pape à Benito, on évitera les orages et les tempêtes. Il suffit donc d’aider Vinci à fabriquer ses machines volantes. Avec un petit problème à résoudre : Vinci est actuellement l’hôte de Ludovic le More. Le maître de Milan, bien que particulièrement cruel sur le plan politique, est aussi un protecteur des arts et des lettres, carrément un mécène, et il a engagé Leonardo dans son équipe. Ce sera difficile, en cette période de tension extrême, d’obtenir un transfert, même provisoire, dans les légions du pape. Et dire que les Sforza, la famille du More, avait grandement contribué à l’élection du pape Borgia ! Il faut croire que toute alliance politique ou religieuse est faite pour s’inverser un jour…
Mission diplomatique pour Fra Benito, qui part pour la cour de Milan …avec suffisamment d’or pour convaincre à la fois l’inquiétant Ludovic et le génial Léonard. Et encore une fois tâche difficile, car il ne faut évidemment pas révéler au More que le Vatican s’intéresse aux machines volantes de Léonard. Non, on l’engage un temps limité au Vatican pour parfaire des détails de la chapelle Sixtine…Une version officielle qui satisfait (étant donné aussi le montant de la location) Ludovic, et une réalité que Benito a dû négocier secrètement avec Leonardo.



(LECTEUR : A ce temps là, c’était facile, il n’y avait ni micros, ni écoutes téléphoniques.
AUTEUR : Mais les services secrets massacraient déjà sans sommation, et beaucoup de murs avaient des oreilles !)




Léonard de Vinci arrive à Rome avec Benito, au service du pape. Il ne sait pas alors qu’il sera plus tard conseiller militaire de César, un fils de ce pape Alexandre.
Vinci, le précurseur visionnaire que l’on sait, avait dessiné les plans de plusieurs objets volants fort utilisés de nos jours, du parapente jusqu’à l’hélicoptère. Pour partir en Amérique plus vite que les bateaux, c’est bien entendu d’hélicoptères dont le pape aura besoin.
Le plan est assez simple : un habitacle, fermé hermétiquement, fabriqué avec des tissus calfatés et des vitres solides à l’avant. Le tout mû par une grande hélice.



(LECTEUR : Et la source d’énergie ? On n’avait encore ni moteur, ni machine à vapeur.
AUTEUR : On va travailler comme dans les galères, mais avec des pédaleurs qui feront tourner l’hélice à grande vitesse, via un ingénieux système de transmission.)




C’est vrai que les très nombreux plans de Léonard (de la bicyclette au sous-marin, en passant par l’hélicoptère) étaient fort sommaires dans leur premier jet. Il avait dessiné un hélico, mais sans trop s’inquiéter du moteur. Il avait ciblé le principe : la vitesse de la grande hélice est capable de faire voler un plus lourd que l’air. Maintenant, côté pratique, il faut trouver le souffle prodigieux qui va faire tourner cette hélice.
Nous sommes au 15ème siècle, bientôt au 16ème. On a déjà l’encre noire de l’imprimerie, la poudre noire des canons et des arquebuses, mais pas encore l’or noir des machines. A part le feu de bois, qui ne fait encore chauffer que les cuisines et les cheminées, la principale source d’énergie, c’est l’homme, notamment le galérien.
Le génial Léonard doit donc adapter les plans de son hélicoptère. Puisqu’il faudra y embarquer ceux qui vont devoir pédaler plus vite que les coureurs du Tour de France,…



(LECTEUR : Plus vite que le tour de France ? On avait donc déjà inventé le doping ?
AUTEUR : Des champignons comme le marasme d’Oréade, délicieux comestible, sont un dopant naturel ! En plus, il y avait sans doute déjà de l’opium dans les Indes orientales…)




… l’engin devra être beaucoup plus grand que celui d’abord imaginé, pour loger un pilote, un aide, douze galériens, deux maîtres chiourmes et douze réservistes. Sans oublier de la place pour les trésors à ramener de là-bas…
Et le monstrueux vaisseau prend forme. C’est presque un Titanic céleste….



(LECTEUR : Titanic. Cela va donc mal finir ?
AUTEUR : Si l’opération avait réussit, elle aurait été plus médiatisée…)




Un (petit) Titanic à l’assaut des nuages : douze mètres de long, trois de haut. De la toile tendue sur des armatures métalliques et des vitres à l’avant. Vitres doublées par sécurité : Vinci a donc aussi inventé le double vitrage, détail que bien des historiens ont négligé de souligner.

Après des mois de travail acharné et de haute précision, la formidable machine est prête. Etant donné son poids, et surtout celui de son équipage, un véritable décollage serait difficile : nos galériens des airs sont plus des marathoniens que des sprinters.
C’est pourquoi l’engin est tiré au sommet du mont Palatin, la plus haute colline de Rome, d’où on le poussera dans le vide avant qu’il prenne sa vitesse de croisière et aille taquiner les nuages.
Le grand jour de l’essai est arrivé. Le pape a choisi une date symbolique : l’Assomption.


(LECTEUR : Mais çà pourrait porter malheur : c’est un jour de recueillement.
AUTEUR : Le pape espérait peut-être le soutien de Notre Dame. Ou alors son orgueil le poussait à s’élever lui aussi ce jour-là. On ne sait pas exactement.)



Avec partout des pentes douces, le Palatin n’est qu’une colline. Il présente aussi un à pic profond d’une quarantaine de mètres, d’où l’on va lancer les conquérants de l’Espace. Benito s’installe aux commandes de l’Oiseau du Vatican, et douze pédaleurs ont été savamment entraînés pour le grand défi à la pesanteur.
On lance l’Oiseau, qui survole un moment le vide,…avant de tourner d’abord de plus en plus vite, puis de plus en plus lentement, sur lui-même, jusqu’à ce qu’il parte en vrille et aille s’écraser au pied de la colline. Benito, le héros des missions en Angleterre et Amérique est mort, (les galériens qui l’accompagnaient aussi, d’ailleurs, mais ils ont moins d’importance : on ne sait même plus leurs noms…). La belle Atalanta est déjà veuve (de la main gauche) et donnera naissance à un(e) orphelin(e).



(LECTEUR : Quel était le problème technique de cet Oiseau du Vatican ?
AUTEUR : Il paraît que Léonard, dans ses plans, avait tout simplement oublié la petite hélice, à l’arrière, dont le rôle -essentiel- est de stabiliser l’appareil.
LECTEUR : C’est vrai ?
AUTEUR : C’est en tout cas ce que j’ai lu dans un San Antonio. Même que Bérurier, l’adjoint du célèbre commissaire, s’est permis de qualifier Léonard de Vinci de c…Car, affirme l’inspecteur principal, il faut être c…pour oublier la petite hélice.
LECTEUR : A quoi çà tient, l’Histoire…
AUTEUR : Et que les enquêtes sont difficiles. Car tous nos témoins ont disparu…Encore pire qu’à Dallas.
LECTEUR : Et Atalanta, avec son enfant à naître ?
AUTEUR : C’est une autre histoire, que je conterai sans doute un jour. Mais je peux déjà révéler que le dernier descendant connu du fils de Benito et Atalanta est Gérard de Nerval, l’homme qui –après un voyage en Orient- a vu l’Oeil de Dieu, et aussi le Serpent qui entoure le monde, phénomènes qu’il a décrits de plus belle manière que celle des traités d’astronomie…
LECTEUR : Et nous voilà donc partis, cinq feuillets à la fois, jusqu’au 19ème siècle ?
AUTEUR : On va essayer, et peut-être même voguer encore plus loin. Mais pas en hélico !)




L’échec de sa machine volante met fin aux rêves américains de Borgia, qui n’a pas les moyens de rivaliser financièrement avec l’Espagne ou le Portugal pour envoyer si loin des caravelles ou galères. Il va néanmoins diviser géographiquement et assez abstraitement ces « Indes occidentales », procédant de telle manière que le Brésil (encore officiellement inconnu et bien plus à l’Est que les autres territoires) est attribué…aux Portugais !
On peut imaginer qu’il aura réussi jusqu’au bout à diviser pour régner.
Quant à Vinci, malgré ce cuisant échec (et l’appréciation vraiment sévère de Bérurier !), il fera une belle carrière. (La Cène, la Joconde, Da Vinci code,…). Les savants sont distraits, et les artistes négligent parfois les détails de la réalité…

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