mardi 10 juillet 2007

ASTROPHYSICIENS ET VISIONNAIRES...



En 1854, Nerval écrivait :

En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours ;

Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les Jours !

(Le Christ aux oliviers)




Dans son ouvrage "Les poètes et l'Univers", l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet (directeur du CNRS et créateur de la théorie des univers chiffonnés) constatait :






Les obsédés du froid, du gel, des ténèbres se rattachent à une rêverie plus primordiale, celle de la Ténèbre. Du Mexique à Babylone, les traditions s'accordent à parler d'une longue période de ténèbres qui semble, aux peuples consternés, devoir régner à jamais. Les Romantiques sont leurs dignes successeurs : ce sont les Amants de la Nuit, du Vide, du Zéro absolu, du Noir infini ...
Le plus tourmenté d'entre eux, Gérard de Nerval, est hanté par l'extinction des Soleils et le refroidissement inexorable du monde. Dans son Christ aux Oliviers (Chimères, 1854 ), où il suit de très près un texte de Jean-Paul, il introduit la vision d'astres morts sous la neige éternelle. Fasciné par l'abîme sans fond (l'un des cauchemars les plus naturels de l'homme), il nous offre une description saisissante de la spirale tourbillonnante de matière, d'espace et de temps qui s'engouffre à tout jamais au fond du Rien. Un Rien que les astronomes d'aujoud'hui appellent "trou noir". Car il s'agit bien là d'une littérature de visionnaire (Nerval se suicida un an plus tard par pendaison). La notion scientifique de trou noir dévoreur de matière n'a fait son apparition que dans la seconde moitié de notre siècle. A la fin des années 1970, j'ai réalisé des simulations d'ordinateur pour calculer l'aspect d'un trou noir entouré d'un disque de gaz. Une image virtuelle de trou noir fut ainsi produite, et figure aujourd'hui dans les manuels d'astronomie.
Or, nulle légende n'eût pu mieux convenir à cette image que les strophes de Nerval (que je ne connaissais pas à l'époque). On ne peut qu'être troublé par la façon dont l'intuition du poète a anticipé celle du scientifique.

(Extrait de : Les poètes et l’Univers, de JP Luminet.Pour en savoir plus, lien ci-dessous. Attention, lien un peu complexe : faut faire Ctrl + clic pour accéder)
http://luth2.obspm.fr/~luminet/Books/Apo.html


Longtemps que je vous parle de Nerval et des visionnaires !
Ma question : comment Nerval a-t-il une conscience si précise de l'existence d'un Trou Noir ?

Et ce depuis sa définition (...engloutissant les mondes et les jours...) jusqu'à sa description.

Pour la description, il faut retrouver la Grande encyclopédie de l'astronomie, édition des années 80, laquelle éditait la première simulation photo de JP Luminet. C'est sidérant !

Sinon, on peut chercher sur Google en tapant "Luminet Trou noir", et on trouve pas mal de documentation.

En cherchant sur Google, j'ai sauvegardé quelques illustrations, mais je n'ai pas retrouvé la simulation de 1970. Hélas, ces "sauvegardes" ne sont pas JPG, donc n'ont pas été transmissibles en tant qu'image sur le blog. Je vais néanmoins tenter un copié-collé, et l'éditer en commentaire.
Si çà va, vous verrez un peu...sinon, vous devrez chercher vous-même !

J'espère que je recevrai de nombreuses réponses à ma question du jour,...car, si j'ai mon hypothèse, je ne suis sûr de rien, et je parlerai encore d'autres mystères nervaliens !

3 commentaires:

À 11 juillet 2007 à 10:16 , Blogger chacha a dit...

Cher GéGé
Je pense que Nérval etait mélancolique et que cela colore ses poemes par les termes employés. Voir :le soleil noir de la mélancolie. La transition d'un poeme à un concept scientifique tel que celui de trou noir est délicate. Neanmoins au niveau des images il peut y avoir un glissement et une complémentarité entre un état d'ame et une description en termes "imagés" d'une réalité "exterieure" puisque le poete ne parle des choses qu'au travers de son filtre mental. Bien à toi ."chacha"

 
À 11 juillet 2007 à 11:08 , Blogger 1OO pensées pour VOUS ! a dit...

@ Chacha

Très belle analyse,...mais qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblik !

Suffit-il d'être mélancolique pour être visionnaire ?

Comment peut-on être visionnaire, et voir "derrière le décor" ce qui échappe au commun des mortels ?

Tu parles du "Soleil noir de la mélancolie..."
Pensons plutôt au "corps astral" dont Nerval parlait dans Aurelia.
Et c'est ce corps astral qui aurait vu...eu conscience de...

Des "postulats", donc au-delà de réflexion ou démonstration, qui me font penser à...tant d'autres (relire la page de Luminet) mais aussi à Werber, ses thanatonautes, ses Anges et ses Dieux.
Postulats (puisque je n'ai pas d'autre mot) que je retrouve également dans le Malpertuis de Jean Ray.

Je répète donc une question, hélas aussi restée sans réponse sur ce blog :
-Quel était le rapport entre Malpertuis et l'Atlantide ?

A bientôt, j'espère...et dors bien malgré tous ces mystères !

GE

 
À 12 juillet 2007 à 05:20 , Blogger 1OO pensées pour VOUS ! a dit...

Bonne nouvelle pour les chercheurs : la fameuse photo de 1970 est comprise dans le texte du billet !
Il suffit de cliquer sur Gérard de Nerval ou sur Le Christ aux oliviers (soulignés) et on voit apparaître le texte et un peu en-dessous (descendre avec "l'ascenseur" à droite) la fameuse photo.
Sidérant !

 

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