AU BOUT DE LA NUIT...DANA !
Léonce est parti. En octobre 2006. Dix ans déjà. Parti peut-être vers la cour de Dana, peut-être nulle part. Et je reste seul à ne pas comprendre.
Etrange…Une déesse celtique qui m’invite par ordinateur, qui fait jaillir une clef de style très moderne de mon imprimante. Je me demande si je ne rêve pas un peu. Nerval disait, dans Aurelia, que le rêve est une seconde vie. Et ses rêves lui permettaient de voyager dans son corps astral. Dans son « Sixième sommeil », Bernard Werber a souligné aussi le mystère et l’importance des rêves. Rêves que l’on peut apprendre à orienter, à maîtriser. Peut-être Dana a-t-elle maîtrisé mes rêves, peut-être que c’est mon corps astral qui est ici dans le jardin ?
Souriante, Dana m'attendait à la sortie de mon transporteur. Elle m'accueille chaleureusement. Comme je l'avais déjà remarqué dans la video, elle est très belle, et aussi plutôt jeune pour une déesse ! Quand j'ai décollé de la Terre, pour un voyage de six minutes, il était environ une heure 30 du matin. Sur Cérès, il fait jour. Je vois un beau soleil, il faut chaud et l'air est respirable. Les paysages que j'aperçois sont boisés et...en bord de mer. Dana m'invite chez elle : sa maison est curieusement hémisphérique, on dirait un igloo géant, avec des portes également hémisphériques et des fenêtres rondes. Elle me sert du thé au myosotis(au myosotis...pour que je ne l'oublie jamais ? Il n'y avait pas de danger !), avec des feuilles de vigne farcies aux orties.
Pendant que nous dégustons et sirotons, elle" commence par me raconter sa vie.
Ses ancêtres vivaient sur la planète Antagora, qui tourne autour de l'étoile double dans la constellation de Cassiopée. (Cassiopée, comme avait écrit Chatelain). Leur civilisation était très avancée : ils avaient le nucléaire avec ses déchets ingérables, les gaz à effet de serre qui ont provoqué des tsunamis ayant balayé des centrales atomiques, et aussi bien d'autres choses. Deux blocs antagonistes qui faisaient occasionnellement péter une bombe (effet secondaire : un bref hiver nucléaire pour faire semblant de lutter contre le réchauffement climatique). Heureusement, ils avaient aussi des scientifiques de haut niveau. Quand ceux-ci se sont rendus compte que leur Planète allait mourir, ils ont décider d'aller voir ailleurs. Pour voguer très loin, ils avaient trouvé la méthode quantique : une particule quantique a la propriété de se situer à deux endroits en même temps, elle a ainsi la faculté de pratiquer le déplacement instantané. Nos savants ont donc capturé une particule, l'ont agrandie (agrandisseur en 3 D), puis l'ont photocopiée (photocopieuse 3 D), et ils étaient prêts pour le grand voyage. Cette particule agrandie, c'est le transporteur que je viens d'utiliser. Ils disposaient de sept transporteurs, ils sont partis à un peu plus de 200 avec quelques bagages et leur premier voyage les a amenés (fantaisie quantique obligeant) à proximité de notre Terre il y a 50 000 ans. Par la suite, ils ont peaufiné leurs transporteurs, de manière à les diriger où bon leur semblait : il a suffi de faire appel à l'énergie noire bien présente, mais encore mystérieuse pour nous, dans notre Univers.
Dana me montre des videos de la planète de ses ancêtres, planète toujours morte 50 000 ans après les cataclysmes. Des ossuaires à ciel ouvert, où ne rampent que d'étranges sortes de limaces et où végètent des champignons monstrueux que je n'aurais jamais imaginés.
Les ancêtres de Dana ont voulu apporter un peu de leur "civilisation" aux humains qui habitaient alors sur Terre. Ils furent les dieux descendus du ciel venus féconder les mortelles...Et de nouvelles civilisations ont démarré relativement vite. Quand la grande aventure a été lancée, les "dieux" sont partis s'établir sur l'un des satellites de Mars, d'où ils pouvaient continuer à surveiller leur oeuvre. Avec des véhicules spatiaux bien plus impressionnants que leurs transporteurs, lesquels étaient invisibles sauf au décollage et à l'atterrissage.
Leurs savants ont réussi à créer (organismes génétiquement modifiés...) treize personnes immortelles il y a 12 000 ans. Attention : ces Immortels ne vieillissaient pas, donc ne mouraient pas tout seuls, mais pouvaient être assassinés ou se suicider. Ce fut l'avènement des Dieux. Zeus-Thor, Dana-Héra, et d'autres, dont le sinistre Moloch Baal, qui a quasiment massacré tout le monde. Reste-t-il quelques descendants des savants de la première heure ? Dana ne sait pas. Le vieux Trinôme qui a vaillamment avec elle combattu Moloche Baal est-il toujours vivant ? Pas de nouvelle depuis très longtemps...Restent au moins Moloch Baal et Dana. Un Moloch Baal dont Dana se protège efficacement grâce à une armée de robots. Et nous en sommes au statu quo. Moloch Baal veut détruire, Dana voudrait sauver la Terre, qu'elle ne veut pas voir finir comme Antagora. Ou comme l'Atlantide dont elle me résume la brève histoire : un laboratoire des savants et des dieux, détruit par la folie des hommes de l'époque, folie entretenue par Moloch Baal.
Sauver la Terre...vaste chantier, à cause de ce qui se passe dans notre monde en perdition , et aussi à cause des malversations de Moloch Baal toujours présent.
Elle me demande alors de simplement raconter notre entrevue, en invitant les gens à (re)lire "L'homme qui plantait des arbres", de Jean Giono. Elle insiste aussi sur l'importance de la trilogie de Werber "Troisième humanité", et sur la colonisation de la Lune par la papesse Emma. Car, en attendant les bienfaits des arbres, Dana acceptera de transporter des gens autre part. Elle souligne le fait que ce qui est petit, Lune, satellites de Mars ou Jupiter, astéroïdes,..., est plus facilement aménageable que ce qui est plus grand (comme Mars, dont on parle tant) : dix ans ont suffi à ses robots pour rendre Cérès viable. Energie solaire grâce à la grande montagne Ahuna, l'eau se remet alors à couler, il suffit ensuite de l'oxygéner avec les plantes ad hoc et le tour est joué. Le monde végétal, savamment géré, apporte oxygène, nourriture et énergie. Que demander de plus ?
Dana me charge d' inviter chez elle des scientifiques pour lancer le plan de sauvetage de la Planète qui fut bleue et qui a viré au gris maussade. Des scientifiques, aussi des créatifs (artistes,...), mais elle ne veut nul oligarque. Elle me suggère de contacter d'abord un prof du CNRS que je connais (mais dont je ne peux révéler le nom) afin qu'il contribue à sélectionner l'équipe qui aura la lourde tâche de sauver l'humanité.
Elle sait que je ne verrai sans doute pas les bienfaits des arbres que je vais inviter à faire renaître.
Mais elle m'en console en me disant que l'essentiel est de participer. Et que la mort n'est pas plus éternelle que la vie, grâce à la mémoire de nos électrons...
Immortelle sauf attentat ou suicide, Dana ne veut pas mourir maintenant. Mais elle ne veut pas non plus vivre sans nous. Tout en sachant que dans 4 à 5 milliards d'années, avec l'explosion de notre Soleil, elle est sans doute condamnée à mort, comme nos électrons et leur mémoire. Dana nous invite à bien vivre notre vie d'abord, notre immortalité ensuite,...même si celle-ci aura aussi une fin. Nos armes seront nos arbres. Et s'il faut d'autres armes pour les défendre contre l'oligarchie qui étouffe notre pauvre monde, Dana nous les fournira. Parce que quand nous nous occuperons de nos arbres, on oubliera les bombes et les marchands de canon devront fermer leurs sinistres usines.
Elle va aussi me proposer un pseudonyme, puisque je dois impérativement me cacher de l'oligarchie mortifère : désormais, je m'appelle donc Ge Rho Nemo. Ge parce que ce sont mes initiales. Rho, parce que c'est la 17ème lettre de l'alphabet grec, et que 17 est un nombre premier dont la somme des chiffres vaut huit, 8 étant le symbole de l'infini remis debout...(Tu me fais beaucoup d'honneur avec ton infini, Dana). Et Nemo, sans doute parce que je suis devenu personne. Mais il vaut mieux être (une) personne pour Dana qu'une chose dans des mains oligarches...
Vient alors l'heure de nous quitter. On s'embrasse, en se promettant de se revoir bientôt. Et de lancer notre projet...Dana me raccompagne à mon transporteur. Il me reste à redescendre sur Terre.
De retour ici-bas après un transportement sans histoire, je vois que le jour est en train de se lever sur mon jardin et alentours. Le jardin n'a pas changé. Les alentours sans doute pas non plus : au loin, une grue est toujours à la même place. Le transporteur, mon transporteur, se replie et retourne s'enfouir sous la terre.
Je me rends compte que je vais avoir du boulot. Ce qui me fait un peu peur. Ma respiration s'accélère, donc ma tension va encore monter. Faudra que mon médecin accepte d'augmenter un peu ma dose de Lisinopril. Je lui dirai que c'est pour la cause de Dana, et il ne pourra pas refuser